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Extrait du livre de Samuel Fawer avec le titre « Der Mann im Hintergrund »

Dans le SAV d'OMEGA, je vis en direct comment était organisé le pro­­ces­sus de réparation, et combien cela était absurde. A la fin de ma tournée, Willem van Kempen et moi-même avons mis sur pied une réunion avec le res­pon­­sa­ble du service et les principaux re­pré­sen­tants des départements. Je vou­­lais d’abord me faire mon idée avant que les syndicats n’entrent en jeu. A ce stade, je croyais encore que les re­pré­sen­tants d’un grand syn­di­cat viendraient de l’extérieur, et devaient être in­vités. Au cours de la réu­nion et au fur et à mesure des explications don­nées, à mon grand éton­ne­ment, je dus constater que le syndicat en ques­tion se trouvait au sein du dé­partement lui-même, et que ses membres étaient des employés du SAV OME­GA ! Je n’ai pas eu à réfléchir long­temps, et j'ai exigé, encore au cours de la réunion, que le « syndicat » soit dis­sout avec effet immédiat. Eton­namment, ma demande a été acceptée sans opposition. Ensuite, j'ai or­ganisé la mise en œuvre de cette décision. Tout d'abord, j'ai demandé tous les dossiers personnels des col­la­bo­ra­teurs afin de déterminer qui pour­rait être qualifié ou non d’horloger com­plet. Les « spécialistes » qui ne pouvaient exercer qu’une fonction spé­ci­fi­­que ont été, pour partie, li­cen­ciés et, pour quelques autres, proposés à la formation de rhabilleur. J’ai lais­sé au directeur un délai de six mois pour me­ner à bien ces chan­ge­ments opérationnels. Du coup, ma mission s’est ache­vée plus tôt que pré­vu.

Au troisième jour de mon séjour à Lancaster, le boss me con­dui­sit à Neffs­vil­le, une colonie avoisinante, peuplée d'Amish. Les Amish sont une com­mu­nauté religieuse protestante anabaptiste dont les racines se trouvent dans le mouvement mennonite bernois. Ils mènent une vie for­tement an­crée dans l’agriculture, et sont connus pour refuser beaucoup d’as­pects du progrès économique, tels que l’électricité, la télévision, les voi­tures, etc. Une grande partie des Amish a immigré en Pennsylvanie, dans le comté de Lancaster, au 18esiècle, afin d’échapper aux persécutions en Europe. Ils portent aussi une sorte de costume simple, grâce au­quel on les re­con­naît immédiatement. Nous avons traversé la co­lo­nie, et avons même eu la possibilité de visiter une école. Les gens nous ont salués très poliment, et nous avons pu brièvement discuter avec certains d’entre eux. J’ai été très impressionné. Sur le chemin du retour, à Lancaster, nous avons visité la halle au marché (similaire à une halle au marché d’Europe du sud), où les Amish vendent leurs produits agricoles.

Le lendemain, j’ai pris congé du SAV d’OMEGA de Lancaster, et me suis en­volé de Philadelphie à New-York, où je devais rendre visite à l’agence OME­GA et rencontrer son directeur, John F. Gelson. J’avais convenu avec lui d’un rendez-vous le soir à six heures à l’hôtel Drake de Manhattan. Ar­rivé à l’aéroport Kennedy, je suis allé chercher ma valise au terminal ba­gages. Le tapis roulant tournait et tournait, mais ma valise n'ap­pa­rais­sait pas. Je regardais désespérément autour de moi, et je vis un guichet avec un Noir derrière la vitre. Je m’y rendis, présentai mon billet d’avion à l’employé, et lui dit que ma valise n’était pas arrivée. Il me répondit: « Wait a moment please », et disparut. Après environ cinq minutes, il re­vint avec ma valise et m’ôta un poids de l’estomac. Je le remerciai, et réa­lisai qu’en raison de cette mésaventure, j’étais en retard. Je courus vite hors de l’aéroport, jusqu’à la station de taxis. Là-bas, je me dirigeai vers un chauffeur de taxi noir, de deux mètres de haut, et lui demandai s’il arriverait à me déposer à six heures à l’hôtel Drake. Il me dévisagea et ne dit qu’un mot : « Yes ». Je montais à l’arrière, il inséra une cassette de mu­sique et démarra comme un diable. J’étais presque malade en raison de la vitesse à laquelle il roulait dans Brooklyn, traversant les carrefours sans se soucier des feux, jusqu'à Manhattan où il me déposa devant l’hôtel Dra­ke exactement à six heures. Qu’il ait reçu de ma part un pourboire con­séquent, cela va sans dire.

A l’hôtel, j’étais attendu par John F.Gelson, qui me suggéra de prendre ma chambre avant d'aller dîner ensemble. Avec sa voiture, nous avons rou­lé dans les gorges formées par les gratte-ciels de Manhattan, et avons pris un apéro dans un bar. Durant l’apéro, nous nous sommes entretenus au sujet de la situation des ventes aux USA; je lui demandai s’il y avait des problèmes techniques, et l’informai de mon intervention à Lancaster. Après, nous nous sommes rendus à pied dans un petit restaurant situé à pro­ximité. Nous étions pratiquement les seuls clients, et avons été très bien servis par un Noir aux cheveux blancs, très sympathique. Mon hôte vou­lait me séduire, et commanda du homard. Je n’avais encore jamais man­gé quelque chose d’aussi bon. Nous en avons mangé un chacun, c'était excellent, et la bouteille de vin blanc que nous avons bue était dé­li­cieu­se. Après le café, nous avons continué à nous entretenir à propos de l’ave­nir d’OMEGA, et j’informai mon hôte de la future politique et de la ré­duction massive des collections. Il était enchanté, et me dit qu’à Bienne on avait enfin compris que la collection actuelle, en raison du trop grand nom­bre de modèles, était très difficile à vendre aux USA. Ensuite, nous som­mes retournés à l’hôtel, et avons convenu qu’il viendrait me chercher le lendemain matin à 9 heures. Environ vers 23h30, je me tenais donc seul de­vant l’hôtel Drake et j’admirais les puissants gratte-ciels autour de moi. Je n’oublierai jamais ce moment. Le petit déjeuner à l’hôtel était ex­cel­lent, il y avait même des rösti. Comme prévu, on vint me chercher à 9h00, et on me conduisit à l’agence OMEGA. Là-bas, je fus accueilli par le directeur, on me fit visiter les bureaux et on me présenta aux collaborateurs. Après un bref déjeuner, le responsable de l’agence me ramena à l’aéroport Ken­ne­dy où m’attendait l’avion pour le voyage du retour. Dans l’avion, j’ai eu le mal­heur d’être assis à côté d’une femme très pomponnée, qui fumait com­me une cheminée, et éclusait un Bloody Mary après l’autre. J’étais con­tent, après ce vol de nuit, d’arriver à Zurich et de pouvoir humer l’air frais du pays.

De retour à Bienne, j’informai Thomke de ma mission à Lancaster, et il se mit à rire lorsque je lui ai raconté l'épisode du syndicat. Je lui fis éga­le­ment mon rapport au sujet des stocks d’accessoires Swatch, et il me pro­mit de faire une enquête.

La restructuration d’OMEGA franchit une nouvelle étape avec le transfert des ateliers de montage et de finition des montres, sous la direction de Fritz Marti, à ETA.

J’ai développé un nouveau concept logistique, qui avait pour objectif d’amé­liorer la coordination avec ETA et d’optimiser la gestion des stocks. De plus, j'ai créé un nouveau système de numérotation qui n’identifiait les mon­tres finies par un numéro de série que peu avant la livraison. Par rap­port à l’ancien système, cela augmenta sensiblement la flexibilité de la pro­duction.

Après l’assèchement des collections obsolètes sur les marchés, les ven­tes des nouveaux modèles avec le slogan « Significant Moments » ont com­­mencé à se développer positivement. La nouvelle stratégie d’OMEGA se confirmait toujours plus. Pour faire court, en 1986, après dix années de pertes, OMEGA réalisa de nouveau un bénéfice.

Le 18 juin 1986, Hayek devint président du conseil d’administration de la SMH, et ainsi le grand patron. Le 17 décembre de la même année, fut cons­titué la Direction générale du groupe, laquelle prit ses fonctions le 1er jan­vier 1987. Les membres qui la constituaient étaient Nicolas Hayek (pré­si­dent), Pierre Arnold (vice-président), Ernst Thomke (division horlogère), An­dor Hefti (division technologie de pointe) et Fritz Amman (responsable de toutes les marques de montres de la SMH). 

Le 20 octobre 1986, Thomke a été remplacé par Amman en tant que di­rec­teur opérationnel d’OMEGA. Amman avait déjà été responsable mar­ke­ting d’OMEGA de 1978 à 1981, année où il fut licencié par l’ancien pré­si­dent du conseil d’administration, Gross. Pour moi, il était clair que si Am­man apprenait que j’étais un protégé de Gross, mon avenir chez OMEGA se­rait vite remis en question. 

Début 1987, la direction d’OMEGA se composait de: Fritz Ammann (Di­rec­teur général), Herbert Arni (Marketing et vente), Samuel Fawer (Lo­gis­ti­que), Hans Kurth (Administration et finances).

Pour moi, l’année 1987 fut marquée par un nouveau style de gouvernance d’en­treprise qui se manifesta par la mise en place de réunions in­ter­mi­na­bles et à des heures impossibles. De plus, certaines de mes tâches ont été successivement reprises par Kurth. Cela me confirma que lentement mais sûrement, on me poussait vers la porte de sortie. Début 1988, OME­GA me remercia, et je reçus pour services rendus une montre Cons­tel­la­tion Manhattan or en guise de cadeau.

Je fus directement subordonné à Hayek comme responsable de projet. Un projet a été la création d'un concept concernant un dépôt central des mon­tres terminées pour toutes les marques de la SMH, lequel verra le jour des années plus tard.

Afin de continuer à m’employer dans la SMH, plusieurs entretiens ont eu lieu entre Thomke, Hayek et moi qui n’ont malheureusement abouti à au­cu­ne solution. Dans le même temps, j’ai reçu une offre d'emploi in­té­res­san­te, et je décidai de l'accepter. Le 27 Juin 1988, j'en informais Hayek par téléphone, et lui envoyais en même temps ma lettre de démission par la poste. J'ai arrêté immédiatement de travailler, car j'avais encore cinq se­maines de vacances. Le certificat de travail daté du 1er août 1988 a été si­gné par Thomke, et confirmait que j'avais joué un rôle prépondérant dans la restructuration d'OMEGA.

En février 1989, Amman quittait OMEGA et fut remplacé par Arni, lequel changea pour Eterna en janvier 1990. Thomke repris la direction opé­ra­tion­nelle ad interim, et Hayek devint délégué du conseil d’administration d’OMEGA. Le 1er janvier 1981, Thomke fut remplacé par Kurth. J’ai repris ces informations du livre « OMEGA SAGA » de Marco Richon, ancien res­pon­sable média d’OMEGA et plus tard conservateur du musée OMEGA. 

Au cours des années suivantes, j’ai perdu OMEGA de vue jusqu'à ce qu’en 2010 un ancien collaborateur de la marque m’invite à rejoindre la SAMO, la Société des Amis du Musée OMEGA.

La SAMO émane de la fondation Adrien Brandt créée par Charles Brandt, la­quelle avait pour objectif d'approfondir et de documenter l’histoire et l'évo­lution de la marque OMEGA. A cet effet, le musée OMEGA a été mis sur pied. A chaque assemblée générale de la SAMO, nous sommes in­for­més des derniers développements d’OMEGA, de ses nouvelles col­lec­tions, de ses investissements et de son management.

Aujourd'hui, je suis membre du comité de la SAMO et peux donc suivre l'évo­lution d'OMEGA de plus près. Aujourd’hui, OMEGA est la vache à lait du Swatch Group, et ce qui me rend particulièrement heureux, elle est pra­tiquement de nouveau une manufacture avec ses propres calibres et, ce qui me réjouit encore plus, avec des mouvements mécaniques, tech­no­logiquement avancés. Ses mouvements sont équipés d'un échap­pe­ment co-axial et, grâce à des matériaux spéciaux amagnétiques, peuvent sup­porter des champs magnétiques pouvant aller jusqu'à 15'000 Gauss. Les montres entièrement assemblées sont également contrôlées par un or­ganisme neutre, le Metas, et peuvent porter la désignation "Master Chro­nometer". Et last but not least, la collection OMEGA se compose au­jour­d'hui encore des mêmes lignes de produits que nous avions établies en 1985.

Rétrospectivement, je ne suis pas peu fier, comme il est stipulé dans mon cer­tificat de travail, d’avoir participé de façon « prépondérante » à la res­truc­turation d’OMEGA!

 


  *Ces textes n'engagent ni Omega, ni le Musée Omega, ni la SAMO, mais uniquement leur auteur qui en détient les droits de copie.

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